No enterraremos el petróleo
Oil and gas pipelines in Europe |
Nous n’enterrerons pas le pétrole
Adrià Budry Carbó
Publié lundi 5 novembre 2018
Publié lundi 5 novembre 2018
Or noir,
charbon, gaz naturel: il n’y a jamais eu autant d’énergies fossiles sur
le marché. La transition énergétique ne viendra pas du marché… ni des
sanctions contre l’Iran
Le Club de Rome avait tout faux. Au début
des années 1970, en plein choc pétrolier, un groupe d’académiciens
annonce la fin de l’or noir. Les Trente Glorieuses sont derrière et la
société s’interroge alors sur les limites de la croissance. Il ne
resterait alors plus que trente-cinq ans de consommation de pétrole.Nous sommes en 2018. Une tribu d’irréductibles analystes continue périodiquement de nous resservir la théorie du haut de la courbe. Un «pic pétrolier» serait sur le point d’être atteint, suivi d’un irrémédiable déclin du carburant de la globalisation amenant directement l’humanité dans l’ère de l’après-pétrole.
La consommation pétrolière? +105%
Mais les faits sont têtus. Le monde consomme 97,4 millions de barils de brut par jour. C’est 105% de plus qu’en 1973. Qu’importe les sanctions iraniennes, le chaos libyen, le sabotage des pipelines nigérians. L’avènement des voitures électriques, les parcs solaires ou éoliens et autres engagements énergétiques non contraignants n’y changeront rien non plus. L’économie mondiale a plus que jamais soif d’énergies fossiles.Si les cours n’ont pas pris l’ascenseur, malgré la politique volontariste de l’OPEP et la perspective des sanctions contre l’Iran, c’est notamment parce que le pétrole de schiste a pris la tangente. Les Etats-Unis produisent 11,346 millions de barils par jour, et l’exploration n’est plus taboue en Grande-Bretagne.
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Certes, les découvertes d’hydrocarbures conventionnels sont à leur plus bas niveau depuis les années 1950. A la suite de l’effondrement des cours en 2014, les compagnies pétrolières ont taillé dans leurs dépenses d’exploration et de production. Il n’y a pourtant jamais eu autant d’hydrocarbures sur le marché; et notre génération ne peut plus prétendre enterrer le pétrole.
Le charbon en guet-apens
Plus préoccupant encore. Après quelques années de déclin, le charbon regagne des parts de marché (38,1% du mix énergétique mondial, selon le rapport 2018 du pétrolier BP sur l’énergie mondiale) et a retrouvé sa place d’il y a vingt ans. Glencore s’est d’ailleurs lancé, devant ses investisseurs, dans une défense passionnée de la durabilité (commerciale) de cette ressource. Le trader zougois, qui a investi près de 3 milliards de dollars dans des mines australiennes, parie que la croissance explosive en Asie contrebalancera le fléchissement de la demande dans les économies mûres.Lire aussi Les traders suisses surfent sur le rebond du charbon
Même en Europe, où l’on croyait cette industrie reléguée au XXe siècle, on continue à brûler du dioxyde de carbone pour produire de l’électricité. Jusqu’au non-sens. «Les jours de beau temps et lorsqu’il y a un peu de vent, les prix peuvent descendre en dessous de zéro. On vous paie pour consommer», déplorait l’hiver dernier le directeur d’une maison de négoce.
La transition ne se décrète pas
En Suisse, où les barrages tournent au ralenti et la production éolienne reste confidentielle, Romande Energie admet une part d’électricité provenant «d’agents énergétiques non vérifiables» de 16%. Pas terrible pour effectuer un bilan écologique. Sur le papier, la Confédération a pourtant décidé de tourner le dos aux énergies fossiles. Fini la hausse des importations d’énergies fossiles! On veut tirer la prise des centrales nucléaires. Et on veut les remplacer par le solaire et le biogaz, sauf que ces deux énergies ne représentent pour l’heure que 0,63% de la consommation finale, selon l’Office fédéral de l’énergie.La Stratégie énergétique 2050 tourne le dos au gaz naturel, alors que la Suisse s’apprête à jouer un rôle central ces prochaines années.
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Depuis octobre, elle est capable d’inverser les flux gaziers, qui allaient traditionnellement du nord de l’Europe (Norvège, Pays-Bas ou Allemagne) vers le sud. Un reverse flow qui anticipe l’après-nucléaire allemand, l’arrivée du gaz de la mer Caspienne par le pipeline transadriatique en 2020 et, à plus long terme, l’exploitation de nouveaux gisements en mer Méditerranée orientale (Chypre, Israël, Egypte).
Le Club de Rome n’avait pas pu l’anticiper: l’évolution technologique du secteur énergétique permet de creuser toujours plus profond, de tirer des conduits toujours plus loin ou même de se passer d’une partie de ces tuyaux. Transporté par bateaux méthaniers, le gaz naturel liquéfié (LNG, dans le jargon) permet d’interconnecter les marchés américains, européens et asiatiques, qui fonctionnaient auparavant en vase clos.
A l’ère de l’abondance énergétique, la dynamique de la transition énergétique requerra davantage de volonté politique que la signature d’accords non contraignants. Surtout si on ne peut plus compter sur la rareté pour forcer la transition. Le Club de Rome se hasarderait-il aujourd’hui à annoncer la fin du pétrole pour 2050?
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